Petit guide à l’usage des relecteurs (et des autres)

Je vais commencer par paraphraser mon prof de Taiji par rapport à l’expérience et à la théorie. « L’expérience et la théories sont comme la jambe gauche et la jambe droite. Pour marcher correctement il faut les deux. ». N’en déplaise aux croyants de la science infuse, l’expérience a tout à gagner à s’inspirer de la théorie pour avoir une approche globale des problèmes à gérer.

1 Bases de gestion de projet
1.1 L’analyse du projet
La première chose à faire est bien évidemment de dimensionner le projet. L’analyse porte à la fois sur l’ampleur de la tâche globale à réaliser, son découpage en tâches simples mais aussi la mise en corrélation des ressources qui seront affectées.

Le découpage en tâches simples a plusieurs intérêts, estimer ce qui peut être fait en parallèle (par exemple les illustrations et la rédaction du texte) et ce qui doit être fait dans un certain ordre (relire un texte pas terminé ne sert pas à grand chose). Et ainsi identifier les étapes bloquantes. Par exemple, réaliser la maquette ne peut être faite que lorsque les textes ont été rendus (et il vaut mieux relus).

Lorsqu’une étape bloquante n’est pas réalisée, c’est toutes les tâches qui doivent s’enchaîner à la suite qui sont repoussées.

Sans avoir besoin de faire un document très poussé, il est possible de réaliser des organigrammes simples qui permettent de visualiser les retards engendrés et de garder une vue d’ensemble des délais.

En général les gens qui s’opposent à cette idée vont parler de responsabilité, de camaraderie, du « on se fait confiance » et ce sera les mêmes qui n’assumeront pas s’ils sont responsables de retards ou de problèmes.

1.2 La gestion des paramètres
En gestion de projet, trois paramètres principaux sont utilisés : la quantité de travail, le nombre de personnes affectées à ce travail et le temps imparti. Et tu ne peux en avoir qu’un seul de fixe.

Je développe. Si tu as identifié qu’une tâche prend à une personne 10 jours et que tu veux que cette tâche soit intégralement faire en 5 jours (la quantité de boulot est la donnée fixe), tu vas devoir ajuster en mettant une autre personne aussi performante que la première. D’ailleurs en gestion de projet, il existe une unité le jour-homme qui est très utile. Ou alors, si la dead line n’est pas changeable et que tu ne peux pas ajouter de personne sur le projet, tu va être obligé de revoir la quantité de boulot à la baisse.

La relecture s’inscrivant dans un projet plus complet, il faut que les intervenant précédents en tiennent compte pour que les délais de relecture soient corrects. Et les relecteurs doivent aussi en tenir compte dans leur délais pour ne pas bloquer l’étape (ou les étapes) suivante

Il est d’ailleurs possible pour les relecteurs de travailler avant que la relecture en tant que telle ne commence. En réalisant une bible qui regroupe les règles de base mais aussi tous les termes spécifiques et les harmonises.

Par exemple :
Rappel des règles sur la double ponctuation, sur etc. ou …
Rappel des règles de l’Académie Française (sur l’utilisation de accents sur les majuscules).
PNJ ou Pnj ? Et au pluriel, PNJ ou PNJs ? Pour Oracle 3, nous avons standardisé le terme « croisé » qui était indiqué avec une majuscule et d’autre fois sans.

Ce document de référence servira de base commune et pourra s’enrichir au fur et à mesure de la relecture.

1.3 L’importance des dates butoirs
Il est assez important de mettre des dates butoirs pour baliser les tâches et ne pas se retrouver à la fin du temps imparti avec un truc inachevé, repoussant d’autant les autres tâches qui en découlent.
Voici un truc que j’ai appris lors de mes cours d’économie d’entreprise, la loi de Parkinson que je vais exprimer d’une manière un peu différente de sa forme habituelle : plus vous avez de temps pour faire une chose et plus cette chose vous prendra de temps.

En gros, le trop est l’ennemi du bien et les dates butoirs servent à travailler régulièrement. C’est bien évidemment applicable aussi à la relecture.

2 La relecture
Le travail de relecture recouvre plusieurs problématiques.

La plus évidente est d’éviter les fautes d’orthographe et de grammaire. Mais il est aussi question de vérifier ce qui passe le correcteur orthographique, à savoir les mots manquants et les homonymes. « pallier» ou « palier » par exemple. Vient ensuite la qualité du français et le registre de langage. Est-ce que le terme utilisé relève du bon registre ? Est-ce que la phrase utilisée utilise un expression correctement ou dans le bon sens ? Combien de fois lisez-vous « pallier à une difficulté» alors que l’expression correcte est « pallier une difficulté » ?

Outre cet aspect littéraire, il faut aussi penser à la cohérence du texte et aux multiples remaniements qui ont pu avoir lieu. Une terme technique a très bien pu disparaître du système de jeu mais rester en reliquat dans le texte. Par exemple l’ancienne version parlait d’endurance, la nouvelle de résistance
Cet aspect de cohérence doit être étendu entre les tableaux et les textes. Si un tableau indique un bonus de +3 alors que le texte parle d’un +4, c’est assez problématique. Petit exemple tiré d’une vieille relecture de Oracle 3.

Tout ce travail est à réaliser en général avant la maquette.

Viennent ensuite les erreurs de maquettage. Les accents oubliés, les doubles signes de ponctuation mal encadrés (la norme française n’est pas la même que la norme US), les lettres qui devaient être en majuscule mais qui restent en minuscule, les soucis de police dans les mauvais paragraphes, les titres de même niveau qui doivent être traités de la même manière, les italiques, etc.

Autant ce points à surveiller et autant de choses qui nous choquent. Ou pas.

2.1 Choisir ses relecteurs

Nous ne sommes pas tous doués pour le même type de relecture. Bien évidemment les relecteurs ont comme qualité première de ne pas faire trop de fautes, mais comme chacun est gêné par des choses différentes, c’est autant de compétences à utiliser. Pour faire (très) simple, nous pouvons découper en trois grandes familles. Chaque relecteurs peut plus ou moins faire parti d’une ou plusieurs catégories.

Le nazi-grammar : très fort en grammaire et conjugaison, ne laisse rien passer. J’ai un niveau suffisant, mais ce n’est pas mon point fort. Là il est très utile de connaître un professeur des écoles.

Le perfectionniste : ça c’est moi. Je suis un emmerdeur. Je ne supporte pas les doubles espaces, les espaces manquants et de manière générale tout ce qui déséquilibre un texte.

Le relecteur de cohérence : assez proche du perfectionniste, mais de manière plus globale.

2.2 Choisir les outils de relecture
Le plus simple est de prendre un format commun et basique qui permette le suivi de correction. Au diable les gens qui travaillent en .doc, .docx, .odt, .rtf. Il faut fixer le format dès le début, cela évite des modifications aléatoires.

Il est tout à fait possible de travailler sur un PDF, mais commencer par cela c’est faire souffrir ses relecteurs pour rien. Pour moi, le plus confortable c’est un bon .odt avec un suivi de correction et les bons dictionnaires installés.

Travailler sur du PDF, c’est à mon avis à réserver pour la dernière passe de relecture lorsque la maquette est réalisée.

2.3 Quelques règles simples

N°1 : Plus il y a de relectures, mieux c’est ;

Corollaire : et plus il y a de types de relecteur mieux c’est.

N°2 : L’auteur du texte est le pire relecteur possible, il a tellement travaillé sur ses documents que son cerveau corrige automatiquement les erreurs et qu’il ne voit rien. (C’est d’ailleurs pareil pour moi et j’ai probablement laissé passer des coquilles dans ce texte) ;

N°3 : TOUT donner à relire, même les remerciements fait à l’arrach’ ou le 4ème de couverture. Sinon ça donne la version collector de SR4 où il manque un mot sur le 4ème de couverture ;

Corollaire : si un texte est réécrit après la relecture, il repasse en relecture.

2.4 Méthodologie
Lors de la partie sur la gestion de projet, un des paramètre important abordé est le temps. La méthode de travail est importante.
Si vous avez un texte qui prend 6 jours de relecture par personne, et 3 relecteurs, la pire solution est de faire relire la totalité du texte par chacun en parallèle. C’est comme si chacun utilisait un tamis de même grain sur son tas de sable et que le pauvre maquettiste devait réaliser les réintégration des 3 travaux.
Si chacun relis son texte et met ses 6 jours, la tâche sera donc réalisé avec une qualité non optimale mais en 6 jours.

Une autre solution plus intéressante (mais non optimale) est la relecture séquentielle. Ou chacun relis à son tour le même texte pour retirer les fautes. Quand je dis que c’est non optimal, je parle de temps.
Si chaque relecteur passe ses 6 jours à relire. Cela fait 18 jours.

De mon point de vu, et c’est ce que je propose à chaque fois, c’est la relecture séquentielle tournante. Cette méthode cumule l’avantage de la vitesse et de la qualité.
Si vous avez 3 relecteurs, vous divisez votre texte total en trois et vous définissez un ordre de relecture.
Premier relecteur : parties 1, 2 et 3
Deuxième relecteur : parties 2, 3 et 1
Troisième relecteur : parties 3, 1 et 2.
Au bout de 6 jours vous aurez le texte relu par chacun et chaque relecteur sera repassé derrière les autres.

2.5 Cas particulier de la relecture après traduction
Lorsque vous relisez après un traducteur, vous devez en plus bosser avec le texte original et dégager les faux amis potentiels (une spécialité des traducteurs BBE sur Shadowrun). Cela vous évite d’avoir des mecs mis en « isolation » plutôt qu’en « isolement ». Au moindre doute ou phrase étrange, il faut se reporter au document original.
Dans ce cas la maîtrise de la langue traduite est obligatoire.
Et normalement vous travaillez avec la bible mise au points par les traducteurs et qui harmonise les traductions et sert de référence.

J’ai eut le chance de bosser avec Yohann Delalande traducteur pour le 7ème Cercle et je dois dire qu’il travaille déjà bien et en plus cherche toujours à s’améliorer.

3 Amélioration du bouzin

Une fois l’ultime relecture achevée, le texte finalisé et envoyé à l’imprimeur, le BAT accepté et le premier exemplaire arrive et là c’est le drame (ou pas), plein de coquilles sautent aux yeux, les fans remontent des pages de fautes.

Parce que ne vous y trompez pas, il n’y aura jamais une relecture efficace à 100%. Il faut éviter le maximum de fautes évidemment, mais surtout les plus voyantes.

C’est le moment de sortir la grille d’analyse des gens qui ont étudié « la qualité » (quelle que soit la méthode).

Est-ce que ces coquilles étaient présentes avant la maquette ?
Si oui, il va falloir parler sérieusement aux relecteurs ou changer de relecteurs.

Si non, est-ce que c’est le maquettiste qui a introduit ces erreurs en faisant sa mise en page ?
Si oui, il va falloir parler sérieusement au maquettiste.

Si non, est-ce que l’imprimeur a bien la bonne version du PDF ? (et qui a vérifié le BAT ?)

J’applique cette grille uniquement pour la relecture, mais d’autres outils sont utilisables de manière objective ; parce que le ressenti ne sert à rien, chacun aura le sien et il est fort probable que personne ne reconnaîtra ses erreurs et chacun se rejettera la balle.

Si vous avez utilisé un outil simple de gestion de projet vous verrez bien qui vous a foutu dans le vent en décalant tout le projet.

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