Traduire c’est trahir ?

Bien évidemment, traduire c’est faire des choix et toute personne qui s’y est essayée est plus indulgente pour ceux qui le font régulièrement.

Pour autant il est nécessaire de rendre les idées principales, la finesse, les doubles sens, etc. lorsque c’est possible. Et dans le monde du jeu de rôle, on passe parfois à côté…

Je vais prendre trois exemples issus de jeux de rôles pourtant considérés comme des classiques (et ayant eu les moyens de publications professionnelles) pour vous montrer que le choix des mots conduit à des incompréhensions :

  • Pour Légende des 5 anneaux, les précédentes version parlaient d’Insight et était traduit par Réputation…
    En quoi l’introspection, l’accomplissement ou la réalisation personnelle ont quelque chose à voir avec la réputation ? L’ambiance du jeu se veut Shinto ou Bouddhiste et on nous parlait uniquement de la reconnaissance par les autres ?

  • Shadowrun. Depuis quelques version un nouvel attribut est apparu sur les fiches de personnages, l’Edge sert de mécanique de relance qui revenait avant aux points de karma relégués au rang de points d’expérience. Traduit par Chance par les équipes de BBE, on passe à coté de l’essentiel. Et comme je l’écrivais dans mon dernier article pour eMaginarock, « Edge, c’est à la fois le professionnalisme, les tripes, la chance, le point de rupture et tout ce qui fait qu’une personne peut dépasser ses limites (d’ailleurs la traduction de over the edge va dans ce sens). Donc Dépassement ou Limite serait clairement plus adapté.

    Qui pourrait se considérer comme un professionnel si sa maîtrise n’est pas supérieure à sa chance ? »
  • Shadowrun, encore, le terme de Johnson est la référence de l’intermédiaire dans ce jeu. Pourquoi Johnson et pas John Doe ? Parce que Johnson est un des noms (le nom ?) de famille le plus répandu aux États-Unis et qu’une recherche informatique noierait celui qui ferait la requête sous un flot de données et empêcherait toute identification rapide.

    Il existe donc évidement des variantes locales par pays. Pour les japonais le choix a été porté sur Bunraku, privilégiant les doubles sens à cette notion de nom très répandu ; Bunraku est à la fois marionnettiste et prostitué, classe sans être ridicule.

    Pour les français le choix de l’équipe de traduction s’est porté sur Dupond (avec un « d » ou un « t », je ne sais plus…) à part la référence à Tintin et à ses désastreux inspecteurs, je ne vois pas.
    J’avais pour ma part proposé le terme Martin, car c’est à la fois un des noms les plus communs (le vieux diction « À la foire, il y a plus d’un âne qui s’appelle Martin. ») mais aussi parce que plusieurs références sont possibles : le martin pécheur (à la pêche aux infos), le fait que Martin est à la fois un nom du peuple, qu’il fait référence à un saint important et que son étymologie le rattache à Mars, dieu de la guerre et à la noblesse d’épée. Un triple contexte qui en fait un bon candidat dans une France de 2075 où la royauté est revenue en force et où le découpage de la population en 3 est revenu (Noblesse, Religieux, Bas peuple).

Les mots ont un sens, et comme le disait Camus « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ! ». Dans notre cas c’est induire des comportement de jeu, il est coutume de dire que le système de jeu compte, la traduction aussi.

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